Il y a urgence à se former à l’intelligence artificielle : c’est le signal d’alerte lancé par l’expert Sacha Munaut.
Sacha Munaut le reconnait sans ambages : il n’était pas un très bon élève. « L’école n’arrivait pas à me passionner et, selon moi, ne tenait pas ses promesses. Je trouvais que l’élève manquait de place au détriment du programme », confesse celui qui entreprit tout de même un Master en Ressources Humaines et se passionne pour l’optimisation et les moyens de matérialiser l’acquisition de compétences.
Quelques années plus tard, il « tombe en amour » de l’intelligence artificielle . « Elle pouvait exécuter les tâches qui me déplaisaient », souligne-t-il. « J’ai passé des nuits à poncer mon clavier pour développer une méthode publiée sous le titre Le guide du prompt parfait. » Devenu expert en AI, il fonde l’Agence Sola et devient formateur. « J’essaie d’être le formateur que j’aurais aimé avoir plus jeune, de prendre le temps de me passionner pour être passionnant. »
Professeur invité à la HEPL et à l’IFAPME, notamment, Sacha a toujours été animé par une volonté de transmission et dispense de nombreuses conférences. « J’ai formé plus de 2000 professionnels en Belgique, en France et au Luxembourg », souligne celui qui devrait prochainement étendre ses activités à la Suisse. « J’ai reçu beaucoup de retours des formés quant à l’utilisation ou la non-utilisation de l’intelligence artificielle. J’ai compris qu’il devenait capital d’alerter de l’urgence de se tourner vers l’IA. »
La situation actuelle semble donner raison à cet entrepreneur dynamique. L’intelligence artificielle n’est pas un concept vague ou futuriste et a déjà intégré toutes les strates de la société, infiltrant le quotidien de tout un chacun sans même que l’on s’en aperçoive. Selon une récente étude de McKinsey, 85% des entreprises mondiales utiliseront une IA d’ici l’horizon 2025, c’est à dire dans quelques mois. Or, la majorité de la population n’en a qu’une faible connaissance ! « L’intelligence artificielle est un outil, ce n’est pas une fin en soi. C’est une technologie qui permet d’aller chercher des réponses adaptées dans un océan de connaissances », explique Sacha. « Il convient de distinguer l’intelligence artificielle traditionnelle, qui fonctionne avec une base de données et des calculs, et les solutions d’IA générative comme ChatGPT qui vont produire une réponse unique en fonction du prompt (la question qu’on lui pose) en intégrant plusieurs éléments de réponse. »
Pour les profanes, difficile parfois d’y voir clair dans ces nouvelles technologies, d’autant que des craintes – légitimes ou non – peuvent surgir . « Il y a deux manières d’aborder une inquiétude, une peur. Soit en y faisant face, soit en l’évitant », assure Sacha. « Actuellement, aucune IA n’est capable de remplacer l’être humain mais ceux qui l’utilisent sont beaucoup plus efficaces et compétents. » Et d’ajouter : « La société est en pleine mutation et des outils sont déjà popularisés. »
C’est que l’IA générative type ChatGPT présente de sérieux atouts. « Cela crée des solutions concrètes et sur mesure en direct, fournit une information qualitative en un rien de temps », énumère ce spécialiste. « Cela permet de synthétiser, résumer, analyser et produire une multitude d’actions et de résultats. Cela augmente nos performances, offre un gain de temps considérable et réenchante les échanges. »
Cependant, impossible pour Sacha de faire l’autruche : oui, l’IA est loin d’être parfaite. « Tout n’est pas rose », confirme-t-il. « Les bases de données d’où l’IA tire son savoir sont des sources internet qui peuvent se révéler inexactes. Des questions quant à la propriété intellectuelle, aux responsabilités se posent tout comme lanterne le risque d’une dépendance à la technologie conduisant à un abrutissement. Il existe déjà des dangers directs – deep fake, escroquerie – et des enjeux majeurs, concrets, immédiat ou à moyen ou long terme, dont il faut se saisir. L’esprit critique reste la meilleure arme, il y a de nombreuses nuances à saisir et c’est pourquoi l’école doit rapidement s’emparer de ce sujet. »
C’est là le cheval de bataille de Sacha : convaincre de l’utilité de favoriser rapidement l’apprentissage de l’utilisation de l’intelligence artificielle. Une étude du consultant en RH Robert Half montre qu’un travailleur sur trois utilise déjà une IA au quotidien dans le cadre de son travail. Or, les élèves sont très peu formés à l’usage de ce nouvel outil. « Il ne faut pas aller à l’encontre de la marche du progrès mais comprendre comment l’intelligence artificielle peut apporter une réelle plus-value dans une multitude de secteurs et pour une énorme quantité de tâches », prévient Sacha. « Il est nécessaire d’en comprendre à la fois le fonctionnement et le potentiel, de le faire de façon éthique, dans la bienveillance afin de mieux l’apprivoiser et d’en tirer le meilleur en évitant le pire. »
Pour le formateur, cela devrait se faire dès la première secondaire, de façon réfléchie. « Aujourd’hui, nos entreprises sont tellement ancrées dans la technologie qu’il n’y aura pas de retour en arrière. Si on ne prend pas l’IA en main, elle va nous prendre à la gorge », assène-t-il.
Pour familiariser les adolescents et leurs parents à cette problématique, Sacha organise « Hack your future », une séance d’information qui aura lieu le 7 octobre prochain à Berloz, près de Waremme. Une soirée durant laquelle cet expert présentera un petit programme ChatGPT, distillera quelques conseils d’utilisation, abordera les limites, les atouts et la dimension éthique de l’IA et fera la démonstration d’aspects géniaux, concrets ou dangereux de l’intelligence artificielle. « Un tour rapide de ce qui existe pour inspirer, conscientiser et faire un peu bouger les lignes », conclut-il.
Lien pour les inscriptions à la conférence du 7 octobre : HACK YOUR FUTURE : L’IA pour ados déterminés 🦾 | Agence Sola (odoo.com)
Thiebaut Colot
N. B. : À noter que Henallux vient d’ouvrir une section uniquement dédiée à l’intelligence artificielle et que l’ULB, HELMo, l’UCLouvain, l’UMons, l’IHECS et HEPH-Condorcet lancent cette année un bachelier en technologies numériques pour l’information et la communication qui comprendra, notamment, des cours d’informatique consacrés à l’IA.
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