Parachronique, l’exposition de Garance Gasser à l’Espace 251 Nord.
Immanquable dans le quartier Saint-Léonard, l’Espace 251 Nord est un centre d’art belge dédié à la production et à l’exposition d’artistes belges et étrangers. Ses expositions permettent de sensibiliser différents publics à l’art contemporain. Depuis de nombreuses années, cet acteur emblématique du paysage culturel liégeois offre aux artistes un cadre unique pour poursuivre leur pratiquer et exposer leurs créations.
Depuis le 30 août et jusqu’au 25 octobre, l’Espace 251 Nord expose Garance Gasser, jeune artiste française diplômée d’un master en peinture à l’Académie des Beaux-Arts de Liège depuis juin 2025. Espace 251 Nord a déjà accompagné cet artiste originaire du Haut-Rhin en lui proposant d’occuper le quatrième étage de la Brasserie Haecht d’octobre 2024 à juin 2025. « Cette forme d’accompagnement sur des périodes longues est une des dynamiques importantes proposée par Espace 251 Nord au sein de l’atelier du quatrième étage permet notamment la visite d’atelier par des professionnels du milieu de l’art », précisent les responsables de ce centre d’art.
Cette exposition s’intitule Parachronique et se déploie en deux volets : le travail de peinture ainsi que les études liées à la rechercher préparatoire. « Ma peinture est un état des lieux du genre humain de tout temps par le prisme du passé. Je joue sur la ligne du temps, j’entremêle fragments anciens et contemporains, faisant part de mes états d’âme sur le monde qui m’entoure. L’Histoire est une matière brute que j’utilise pour créer quelque chose de nouveau. J’y aborde les thématiques du folklore, des croyances et des rites d’un quotidien qui nous semblent maintenant lointains. C’est comme une façon de les faire revivre et de les faire ressortir de l’oubli par le traitement artistique. Évoquer une trace du passé, un phénomène populaire sur le point de mourir ou perdu de la grande Histoire et le faire revivre par la peinture », explique Garance Gasser. « Mon travail s’appuyant sur de nombreuses références, les recherches occupent une très large partie de ma démarche picturale. Elles se composent d’images, d’objets récoltés, d’ouvrages de diverses époques, de récits anthropologiques, de témoignages, de legs familiaux ou de collections muséales. J’assemble ces fragments sur un rouleau de papier, ils peuvent fusionner et s’entremêler pour former de nouvelles connexions. Le temps n’est plus linéaire, il fait des allers-retours formant une arborescence d’idées et de réflexions afin de former ma propre frise chronologique. Commencée comme un outil de recherches destiné à l’atelier, elle s’est transformée en travail plastique à part entière qui relationne et nourrit mes peintures. Beaucoup de ces éléments font référence à ma région natale, qui est pour moi à la fois une source d’inspiration et un hommage à ces racines, que l’on pense connaître et qui regorgent pourtant de matière à exhumer. »
Les toilées réalisées en grand format se réapproprient des thèmes plus ou moins connus de l’histoire générale et artistique, comme L’agneau mystique de Van Eyck, la Danse Macabre, la chorémanie de
Strasbourg, ou le Lai d’Aristote associés par l’artiste à des éléments et images plus actuels. « Ce sont des mises en scène à la fois sombres et satiriques, une caricature du genre humain d’hier et d’aujourd’hui. Chaque personnage, à la manière d’un comédien grimé, reconnaissable par ses attributs, incarne les questionnements qui font de nous des êtres complexes évoluant dans une société aux repères mouvant. De ces grandes peintures j’extrais des éléments que j’isole et recontextualise dans de plus petits formats. Le détail peut donc devenir sujet principal et conduire à de nouvelles réflexions qui appuient le dialogue qui se créer entre les différentes toiles », développe la jeune peintre. « Cette année mes recherches se sont portées essentiellement sur les XVe et XVIe siècles, en particulier sur la figure du Fou dans l’humanisme rhénan vu par des penseurs tels que Sébastien Brant, Jean Geiler de Kaysersberg ou Erasme. Toujours d’actualité, ces chroniqueurs sarcastiques questionnent encore notre existence dans des fables satiriques. Ces intellectuels, dans leurs démarches et leurs thèmes, résonnent avec mon travail. Ainsi vont être abordées des questions communes telles que les peurs, la finitude, la morale, le sacré et le profane et surtout…la folie. A la manière de Sébastien Brant dans sa Nef des fous, qui de mieux que le fou universel, celui qui sommeille en chacun de nous, pour caricaturer notre monde. » Et de conclure : « Je vois mes peintures comme une sorte de carnaval anachronique étrange, un regard acéré sur soi et sur les autres, à la manière d’humanistes rhénans du XVIe siècle. »
Plus d’infos : Espace 251 Nord , Facebook
Thiebaut Colot
Crédit visuel : DR