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« Cette quête d’un absolu que l’on n’atteint jamais et que l’on recherche toujours » 

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A l’Opéra Royal de Wallonie à Liège, Adriana Lecouvreur fit un triomphe remarqué et remarquable.

Jeudi avait lieu l’avant-dernière représentation d’Adriana Lecouvreur à l’ORW. Et comme chaque fois, le public a répondu présent pour savourer ce nouveau spectacle exceptionnel comme seul peut en proposer l’Opéra Royal de Wallonie, véritable fleuron culturel et artistique de notre Cité ardente.

Opéra résolument moderne puisque créé en 1902 par Francisco Cilea, Adriana Lecouvreur n’avait plus été joué à Liège depuis plus de deux décennies. Son « retour » fut incontestablement brillant grâce à une prestation magistrale des protagonistes, une partition sans fausse note de l’orchestre dirigé avec brio par l’Américain Christopher Franklin, une mise en scène réussie et des décors franchement épatants.

Inspirée de la rivalité historique entre la comédienne Adrienne Lecouvreur et la Duchesse de Bouillon, cette pièce d’Eugène Scribe – qui devait être prédestiné à l’écriture avec un nom pareil – inspira un de ses plus grands chefs-d’œuvre à Cilea. Dès sa création à Milan au début du siècle dernier, cet opéra fut interprété par les plus illustres personnalités du monde lyrique.

Cette nouvelle adaptation fut confiée à Arnaud Bernard. « Mettre en scène la Adriana Lecouvreur de Cilea était depuis toujours une priorité personnelle pour moi. Au-delà du sujet flamboyant, celui d’une immense tragédienne mourant en respirant un bouquet de violettes, cette musique dont la vérité emprunte des voies bien plus subtiles que celles suivies par le vérisme me touchait profondément. Le souffle de cette histoire servie par une musique tour à tour virevoltante et pittoresque, gonflée d’émotion et amplement lyrique me poursuivait sans cesse », confie le metteur en scène français qui décida de situer l’action au cœur de la Comédie-Française au début du XXe siècle, rendant ainsi un hommage appuyé au monde du théâtre, magnifié par les costumes de Carla Ricotti, la chorégraphie de Gianni Santucci et les lumières de Patrick Méeüs. C’est un euphémisme de dire que nous fûmes particulièrement éblouis par les costumes confectionnés pour l’occasion et par les incroyables décors. Observer un théâtre dans le théâtre, voir cette scène se modifier d’acte en acte fut particulièrement réjouissant.

Histoire tragique conclue sur la mort – que certains auraient espéré davantage spectaculaire – d’Adriana, cette œuvre en dit long sur l’artiste et sur notre société en général. « Raconter l’histoire d’Adrienne Lecouvreur, artiste comblée et adulée, c’est raconter l’histoire d’une femme simple et d’une artiste honnête. C’est raconter cette histoire des gens de théâtre, de cette famille complexe, fascinante et toujours touchante, c’est finalement nous raconter nous-mêmes dans nos fragilités, dans nos illusions, dans cette quête d’un absolu que l’on n’atteint jamais et que l’on recherche toujours », assure Arnaud Bernard.

Dans le rôle d’Adriana, Carolina Lopez Moreno éclaboussa la soirée de son talent, confirmant qu’elle est définitivement vouée à devenir une très grande. Luciano Ganci, parfaitement impeccable dans son interprétation de Maurizio, ne manqua pas, lors des longs applaudissements de clôture, de faire rire l’assemblée en allant à moult reprises « à l’abordage » du public, transmettant ainsi sa joie d’être là. Mais aussi, quelle féérie, au début du troisième acte, lorsque danseurs, acrobates, arlequins et saltimbanques se chargèrent d’esbaudir les comédiens et les spectateurs sur des chorégraphies savamment imaginées ! Sans oublier cet instant onirique où une danseuse descendit du ciel pour faire onduler la salle toute entière de ses longs voiles ! Une soirée dotée de moments de grâce absolue qui restera longtemps dans les mémoires. Bravissimo !

Les prochaines dates à l’ORW : Opéra Royal de Wallonie (operaliege.be)

Thiebaut Colot

Crédits photos : Sable

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