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« Je savais au fond de moi que j’allais écrire toute ma vie »

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Dans le cadre de la campagne « Lisez-vous le belge ? », #Liégeois / Liégeois Magazine vous emmène à la rencontre d’Eloïse Steyaert, fondatrice de Le Mot qui délivre et auteure d’un premier roman remarqué : La femme seule.

Eloïse Steyaert sort un premier roman – réussi ! – aux Editions Academia : La femme seule. Quoi de plus logique pour cette amoureuse des mots, des livres et de la littérature. Mais retournons quelques pages en arrière pour découvrir le parcours inspirant de la fondatrice de Le Mot qui délivre et du Slow Reading Club.

Aussi loin qu’elle s’en souvienne, Eloïse se passionne pour les livres. Lors d’une visite au Musée des Enfants à Bruxelles, elle agence déjà des images pour raconter des histoires. Pré-adolescente, elle en racontera d’autres, à sa sœur. « J’ai le souvenir que juste après la rentrée, en première primaire, j’ai découvert que je savais lire : c’était magique », se rappelle-t-elle. Dans le salon du foyer familial trône une grande bibliothèque. Sur les étagères, les classiques de son papa et les Beaux livres et romans à l’eau de rose de sa maman. « Je pouvais y piocher ce qui me faisait envie, jamais on ne m’a interdit une lecture ou une autre. Je lisais beaucoup mais parfois trop tard le soir. »  A tel point que, complice, sa maman devait certaines fois l’excuser pour ses cours du lendemain.

Un goût pour la littérature forgé très tôt et qui ne l’a jamais quittée. « Mes préférences évoluent continuellement. J’apprécie différents genres mais souvent en lien avec mes thèmes de prédilection. En ce moment, je remarque lire surtout des livres écrits par des femmes », poursuit celle qui est Bélier, un signe astrologique auquel elle accorde de l’importance.

Avec la passion de la lecture vient celle de l’écriture. « Inconsciemment, j’ai sans doute toujours rêvé d’être autrice mais j’ai été éduquée pour avoir une formation débouchant sur un emploi », continue Eloïse qui, au début de ses études de communication, reçoit son premier PC et en profite pour écrire des centaines de poèmes. « J’avais alors envie d’écrire un roman mais il n’existait pas d’école pour apprendre cela. De plus, je n’avais rien à raconter et ne savais pas inventer des épopées. »

Son envie d’écrire, Eloïse la met en sommeil, prise dans le grand tourbillon de la vie : études, boulot, voyages, vie sociale… Titulaire d’un master de français langue étrangère, elle part enseigner en supérieur au Mexique, d’abord, avant d’embarquer son compagnon pour la Louisiane. Ils y resteront une année complète. « Ce brassage culturel m’a nourrie mais dans ce sud profond, l’étroitesse d’esprit et la mentalité pouvaient s’avérer pesante », justifie-t-elle. Revenue en Belgique à la fin de l’année 2015, cette trentenaire dynamique reprend sa carrière de professeur de français et d’histoire mais finit par se retrouver de moins en moins dans l’enseignement tel qu’il est établi en Belgique. Après la naissance de son premier enfant, un burn out l’oblige à ralentir la cadence. « J’avais sans doute besoin d’une pause pour analyser l’année et demie qui venait de s’écouler. » Hyperactive dans l’âme, passionnée jusqu’au bout du stylo, Eloïse se retrouve à l’arrêt. Une situation qu’elle analyse avec lucidité – « cela a ouvert le champ des possibles » – et qui la remet sur le chemin de l’écriture. « C’était une écriture de l’urgence mais je retrouvais cette velléité d’écrire. En 2018, je savais au fond de moi que j’allais écrire toute ma vie », confesse-t-elle.

Mais avant l’écriture, retour à la lecture avec le lancement du Slow Reading Club, un rendez-vous où toutes celles et ceux qui le désirent peuvent se réunir avec le livre de leur choix pour une heure de lecture en pleine conscience dans différents lieux de Liège portés par des pouvoirs publics et des initiatives privées. Un concept qui fait mouche immédiatement, les premiers rendez-vous affichant sold out, et qui fédère une large communauté. Pour les un an, plusieurs médias d’envergure mettent en lumière l’initiative d’Eloïse. « Ce fut un vrai coup d’accélérateur. J’ai compris qu’il y avait un intérêt plus vaste et pris confiance en moi », sourit-elle.

Parallèlement à cela, celle qui a passé son enfance à Durbuy se forme à l’écriture, notamment auprès de Benoît Coppée, pour lancer Le Mot qui délivre« L’envie d’écrire était là, bien sûr, mais aussi celle de transmettre. J’ai commencé en douceur avec des ateliers d’écriture collectifs et des accompagnements personnalisés », continue Eloïse, revenue des States avec le goût de l’entreprenariat. « De nombreuses personnes désirent écrire et se perfectionner, veulent publier un roman, souhaitent recevoir des conseils et partager leurs textes. J’ai constaté que je répondais à une vraie demande. » La petite entreprise de cette Liégeoise de cœur grandit à tel point que depuis son lancement, Eloïse a accompagné personnellement plus d’une centaine de « plumes », comme elle aime à les appeler, dont une dizaine ont publié un livre ou un recueil de poésie, mais aussi animé de nombreux ateliers et writing group et formé quantité de personnes en bibliothérapie ! « En fait, lorsque je suis à la recherche de quelque chose, je me renseigne pour voir si des propositions existent. Et si ce n’est pas le cas, alors je crée ces initiatives. Certains besoins personnels sont finalement universels », précise Eloïse.

Comme tout le monde, Eloïse subit l’arrivée du Covid et ses diverses conséquences. Une période particulière qui voit aussi un deuxième enfant arriver dans la famille. « Cela a eu un effet loupe sur certaines choses déjà constatées lors de la naissance de mon premier enfant », observe-t-elle. Elle se met alors à noircir des feuilles entières de notes. « Plus celles-ci se compilaient et plus je me rendais compte qu’il y avait quelque chose à dire, des situations peut-être vécues par d’autres femmes, que ces sentiments personnels qui m’habitaient pouvaient toucher d’autres personnes. »

C’est ainsi que vit le jour La femme seule dont le premier jet d’écriture brute prit une année complète suivie de six mois de réécriture. « Jérôme Collin a dit un jour qu’il n’y a pas de souffrance qui n’est pas valable. Il ne faut dès lors pas avoir peur de s’excuser de ce que l’on ressent à l’intérieur de soi, de ne pas être bien ou de se poser des questions », avance Eloïse. « Depuis toujours, le rôle de l’écrivain est d’explorer la face cachée de la lune grâce au mécanisme du récit qui existe depuis la nuit des temps. »

Véritable autofiction, La femme seule est le fruit d’un travail de longue haleine pour Eloïse qui rentre ainsi de plain-pied dans le microcosme littéraire. « J’ai « tchoulé » quand j’ai appris que j’allais être publiée et lorsque j’ai reçu quelques exemplaires du livre, j’avais la gorge nouée, je le trouvais beau et parfait : comme un bébé » confie-t-elle. « Je crois en ce roman car j’ai beaucoup travaillé dessus mais je ressens aussi énormément de gratitude car on n’écrit pas tout seul, il y a des gens autour. »

C’est aux Editions Academia qu’est paru ce premier roman. « J’aime faire les choses pour la beauté du geste et c’est pour cela que j’avais envoyé mon manuscrit dans différentes maisons d’édition parisiennes. Je me suis même rendu à Paris avec une amie dans une sorte de trip littéraire pour le déposer en mains propres », raconte-t-elle. Sur les conseils avisés de Benoît Coppée et grâce à une rencontre à Le Mot qui délivre avec l’éditrice Sidonie Maissin, Eloïse opte finalement pour cette maison d’édition de taille moyenne dont la ligne éditoriale lui correspond. « Je trouve déjà chouette qu’on donne sa chance à quelqu’un, moi en l’occurrence. Et puis, j’ai la chance d’avoir une belle dynamique avec l’éditrice qui croit en ce livre et le valorise », remercie-t-elle. « Avoir choisi une structure belge nécessite quand même de s’investir mais cela me va bien car ça ne me dérange pas de mettre les mains dans le cambouis (rires). »

Un peu plus d’un mois après sa parution, le succès au rendez-vous, une seconde réimpression a – déjà ! – été lancée. « C’est bouleversant de voir que cette histoire a déjà touché des gens, c’est génial de voir les captures d’écran, les partages mais aussi que des hommes le lisent. C’est un vrai bonheur », conclut Eloïse d’un sourire radieux.

La femme seule : LA FEMME SEULE – Roman, Eloïse Steyaert – livre, ebook, epub – idée lecture (editions-academia.be)

Le Mot qui délivre : Ateliers d’écriture et bibliothérapie – Le mot qui délivre (lemotquidelivre.be) , Facebook

Thiebaut Colot

Crédits photos : Sophie Bernard

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