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« Un bonheur éphémère »

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#Liégeois vous emmène à la découverte de Kelvin Konadu, jeune artiste-photographe liégeois particulièrement talentueux.

La rencontre avec Kelvin Konadu eut lieu lors d’une typique matinée d’automne, au Pain Quotidien rue du Mouton Blanc, à Liège. L’endroit n’avait pas été choisi par hasard : cet artiste liégeois exposait juste en face, à la Galerie Satellite du Churchill. Une expo intitulée « Ne jugez pas un livre à sa couverture » et qui révélait l’indéniable talent du garçon découvert lors du rassemblement « En piste ! » à la Boverie.

Souriant, presque timide parfois mais indubitablement passionné, ce Liégeois d’origine Ghanéenne né en 1993, est arrivé à la photographie grâce à Michel Purnelle. « J’avais 15 ou 16 ans, je ne connaissais rien à la photo », se rappelle-t-il. Quelques années plus tard, grâce au Nikon D3100 de son frère, il pousse un peu plus loin la découverte et commence à jouer avec des logiciels de retouche. En 2015, il intègre Saint-Luc. « Ce fut une année charnière, j’ai énormément appris à différents niveaux. C’est important de connaître les codes pour pouvoir s’en affranchir », poursuit-il.

Si le parcours de Kelvin ne fut pas linéaire – la faute à un manque de moyens –, c’est d’abord outre-Atlantique qu’il se fit connaître. « J’avais 19 ans et un de mes clichés a fait le buzz sur Tumblr », sourit-il. « C’était en plein période OBEY et ma photo a été republiée plus de cinquante mille fois, c’était dingue. » Il découvre également le travail de David Olkarny. « Ça m’a poussé à continuer l’aventure », reconnait-il.

Inlassablement, Kelvin crée et se perfectionne. « J’ai commis de nombreuses erreurs – notamment dans l’utilisation de la lumière qui ont finalement abouti au style que j’essaie désormais de reproduire », rigole-t-il. Travailler sérieusement sans se prendre au sérieux, c’est en quelque sorte la devise de cet éternel apprenant. « Je suis toujours en train d’apprendre de la photo, de me perfectionner, d’évoluer. Je n’aime pas rester dans ma zone de confort. »

« Taper dans l’œil du spectateur »

Pour ce jeune homme attachant, l’inspiration est partout. « Elle provient de différentes situations et de la vie en général mais aussi de la peinture, de la Bible qui est très riche visuellement ou encore de la mythologie et de l’histoire qui sont d’inextinguibles sources d’inspiration », me confie-t-il. « Je tâche aussi de maîtriser les codes de la photographie, de respecter les anciens et l’héritage qu’ils ont laissé derrière eux. Il faut pouvoir parfois retourner aux sources sans pour autant reproduire des tendances. »

Loin de la fureur et du bruit, c’est de calme dont a besoin Kelvin pour créer. Il lit, compulse, se coupe des réseaux sociaux, s’isole ; et alors la magie opère et le processus créatif s’enclenche. « L’art comble peut-être un vide dans ma vie personnelle en me rendant heureux. Cela me fait planer, rentrer dans ma bulle. Je crée aussi peut-être pour me sentir moins seul et pour partager une émotion, un ressenti avec les spectateurs » décrypte-t-il. « J’ai des images en tête et tenter de les fixer sur une photo me procure toujours cette joie, ce bonheur éphémère. »

Photographe certes, mais artiste avant tout. « J’amène d’autres disciplines dans la photo », m’assure celui qui admire le travail de Jean-Michel Basquiat et de Vivian Maier. « J’essaie par une certaine mise en scène et le souci du détail en post-production de fournir des clichés dynamiques, colorés et mélancoliques qui vont taper dans l’œil du spectateur. » Et d’ajouter : « Je tente également de délivrer subtilement des messages et pour cela, les titres des œuvres sont très importants. »

Possédant désormais son propre studio, ce talentueux liégeois travaille aussi bien en extérieur qu’en intérieur, collaborant avec certains mannequins, make-up artistes et stylistes. « Mes photos sont spontanées mais je crée toujours une mise en scène au préalable car j’ai toujours aimé contrôler et inventer une narration », me précise-t-il. « Une œuvre ne provoquera jamais le même ressenti chez un individu. Il n’y a pas toujours besoin de trop expliquer le travail fourni mais il ne faut pas non plus ne rien dire. Il faut pouvoir trouver le juste milieu et proposer régulièrement une double grille de lecture. »

Avec ses portraits d’une beauté saisissante, ses clichés à couper le souffle, ses photos qui provoquent l’étonnement autant que la réflexion, Kelvin se démarque considérablement et nul doute que pour lui, sky is the limit.

Thiebaut Colot

Crédit photo : Kelvin Konadu

La Maraudière