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« Je travaille de manière très instinctive »

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« Marche salope », le puissant premier spectacle de Céline Chariot, était à l’affiche du festival Rêve Général le 11 avril dernier.

Le jeudi 11 avril, Céline Chariot pénétrait, en silence, sur la scène du chapiteau rouge du festival Rêve Général pour y jouer « Marche salope », son premier spectacle. Elle prenait position sur une chaise – qu’elle allait ensuite démonter entièrement puis remonter – et conservait le silence alors que la pièce débutait sur des paroles de L’Aigle noir, la chanson de Barbara. Une voix off précisait d’emblée : « Ce n’est pas ma voix mais c’est la voix que j’ai choisie. C’est important de pouvoir choisir. Ce n’est pas ma voix que vous entendez mais c’est moi qui parle. » Tout au long de la représentation, Céline Chariot demeurait mutique, extraits de chansons, dialogues et voix off succédant aux silences assourdissants, tout en reconstituant une véritable scène de crime. Une scénographie poétique, onirique, interpellante aussi, qui sert habilement le thème central de cette pièce : le viol, et l’amnésie traumatique qui en résulte.

« Marche salope », dont le titre est inspiré d’une déclaration ravageuse d’un policier canadien en 2011 de laquelle a découlé la marche de protestation SlutWalk ou « Marche des salopes », est une totale réussite, récompensée d’ailleurs par le prix de la meilleure scénographie aux Prix Maeterlinck de la Critique 2022. « Cela a pris une grosse ampleur car ce sujet fait réagir et reste malheureusement toujours d’actualité », confesse Céline Chariot. « Ce spectacle a rempli les salles, c’est à la fois gratifiant et horrifiant car cela concrétise des chiffres qui font peur. Néanmoins, ce spectacle permet une sensibilisation et je sors plus forte de chaque représentation. »

Les chiffres sont, en effet, difficiles à avaler. Selon une étude d’Amnesty International, une femme sur cinq de l’Union Européenne a été victime d’un viol ! « Grâce aux réseaux sociaux, je reçois de nombreux messages, de femmes principalement, qui partagent leur témoignage », confie celle qui, à chaque fois, propose des relais sur place avec des thérapeutes et plannings familiaux. « Le viol peut être difficile à aborder de manière naturelle. Or, il ne doit y avoir aucune honte à en parler librement. »

Dans « Marche salope », co-mis en scène avec Jean-Baptiste Szezot, membre du Raoul Collectif, Céline Chariot se concentre sur une petite partie des viols commis – « les viols à l’occidentale » – et sur l’amnésie traumatique qu’ils peuvent provoquer, mélangeant habilement statistiques, faits et poésie dans un subtil équilibre. Cette œuvre ô combien indispensable a su rencontrer tant le succès populaire que critique. Une première incursion dans le spectacle vivant pour cette photographe accomplie. « J’ai toujours utilisé différents médiums. Sur la question du viol, je n’arrivais pas à en parler en photo et assez vite, après une résidence de recherches et une d’écriture, des images et des sons me sont apparus », explique-t-elle.

Derrière son objectif comme sur scène, Céline Chariot souhaite raconter des histoires, sensibiliser le public, susciter la réflexion. « Sans porter de jugement, l’art pour l’art ne m’intéresse pas trop », précise celle qui assure travailler de « manière très instinctive ». « Par contre, je cherche toujours à laisser une place à l’imaginaire dans mes propositions, une part libre aux spectateurs. » Une démarche qui rend son propos encore davantage audible et renforce l’impact de ce « Marche salope ».

Pour celles et ceux qui n’auraient pas encore eu l’occasion d’assister à une représentation de « Marche salope », une captation télévisuelle est disponible sur RTBF Auvio.

Thiebaut Colot

Plus d’infos : Festival de Liège Marche salope (festivaldeliege.be) , RÊVE GÉNÉRAL (revegeneral.be)

N. B. : Ce jeudi aura lieu la représentation d’une autre pièce saluée par la critique et le public : « Discours à la nation ». Plus d’infos : « Le théâtre permet de dresser des miroirs, de faire douter les certitudes, d’éclairer ce qui est dans le noir » — #Liégeois (liegeois-magazine.be)

Crédits photos : Alice Piemme et J. Van Belle/WBI

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