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« Le théâtre permet de dresser des miroirs, de faire douter les certitudes, d’éclairer ce qui est dans le noir »

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David Murgia est le parrain de Rêve Général, festival inédit se déroulant au Sart Tilman du 2 au 28 avril, et y jouera son célèbre Discours à la nation. #Liégeois / Liégeois Magazine vous emmène à la rencontre de ce talentueux comédien.

Né à Verviers de parents issus de l’immigration italienne et espagnole, David Murgia grandit à Soumagne et étudie au Conservatoire de Liège. « Devenir comédien est un choix de l’adolescence, né d’un désir de créer et de raconter des histoires » confie celui dont le frère aîné, Fabrice, a lui aussi épousé une trajectoire artistique. « Nous traversions une époque déjà bien agitée. Le théâtre m’est apparu comme un moyen de témoigner ou plutôt d’agir sur certains sujets, une manière d’intervenir dans le monde et d’y trouver ma place. »

Assez vite, David tourne avec différents spectacles – Jeux de loiLe chagrin des Ogres ou encore Tête à claques – et co-fonde le Raoul Collectif, tout en s’illustrant également sur grand écran, récoltant au passage un Magritte du Meilleur espoir masculin pour son rôle dans La tête la première. À partir de 2013, il entame avec Discours à la nation, une collaboration avec l’auteur transalpin Ascanio Celestini avec qui il proposera ensuite Laïka et Pueblo. Dans nombre des œuvres qu’il co-crée ou dans lesquelles il joue, des thématiques sociétales sont abordées avec finesse. « L’enjeu n’est pas d’être engagé mais de raconter des histoires belles et pertinentes. Nous vivons une époque où les injustices sont très fortes, il y a des sujets dont on doit s’emparer avec intelligence et humour », nuance-t-il.

Sur scène, David donne régulièrement la parole aux sans-voix, ceux qui ne sont pas représentés dans l’histoire, les médias, la société, ou singe les puissants. « Le théâtre permet d’interroger le langage. Les mots ont un pouvoir, parfois violent, ils peuvent déshumaniser ». pointe-t-il avant d’évoquer le rôle du théâtre. « Le théâtre permet de dresser des miroirs, de faire douter les certitudes, d’entrevoir ce qui est impensé, d’éclairer ce qui est dans le noir. »

« Le théâtre est peut-être l’un des derniers lieux où l’on peut se retrouver, discuter et même agir », affirme Alexis Garcia, Directeur d’Arsenic2 que David a côtoyé au Conservatoire.« Ce n’est peut-être pas toujours aussi romantique mais c’est vrai que c’est un lieu qui est capable de cela. Il a la particularité qu’il lui faut impérativement des gens devant des gens pour fonctionner, ce qui devient rare à l’ère du numérique », observe-t-il. « La manière de ‘faire théâtre’ ensemble  importe également. Et ce que propose Arsenic2 depuis de nombreuses années, en allant au plus près des publics, y compris celui qui ne se déplace pas habituellement au théâtre, est à mon sens l’une des plus importantes qui soit. »

David n’a d’ailleurs guère hésité à accepter la proposition de devenir parrain de la première édition de Rêve Général. « Implanter le théâtre au milieu des places publiques, des campagnes et des campus, c’est un enjeu fondamental. C’est une grande joie de participer à ce festival », sourit-il. « Rêve Général a une belle carte à jouer pour relier ensemble différents mondes – académique, scientifique, économique, politique – à l’occasion de ce printemps particulier. J’espère que les différentes représentations susciteront le débat et les discussions souhaitées, et que la fête s’invitera joyeusement au milieu. »

« Nous vivons une époque d’extrême violence »

Les 25 et 26 avril, David y jouera son célèbre Discours à la nation« C’est un spectacle dont la perception bouge significativement en fonction de l’actualité. Il prend une dimension très particulière à l’approche, par exemple, de périodes électorales. Étant basé sur l’oralité, il laisse aussi une certaine place à l’improvisation », explique ce Liégeois avant de confirmer que cette pièce reste brûlante d’actualité. « Malheureusement la montée ininterrompue des fascismes en Europe nous montre que ce que ce spectacle parodiait cyniquement à sa création est plus criant encore aujourd’hui. »

Depuis 2013, la situation n’a pas évolué dans le bon sens. « Ascanio Celestini, l’auteur de ce texte, est italien. Et l’Italie est étrangement un laboratoire politique qui a quelques années d’avance  sur le désastre », souligne David. « Nous vivons une époque d’extrême violence et ce spectacle raconte que la violence, notre violence, se trouve y compris dans des gestes et des situations ordinaires que nous avons appris à banaliser du haut de notre position de dominant. Pour le reste, quand j’entends à la radio George-Louis Bouchez partir en campagne  électorale, je me dis : c’est ça, Discours à la Nation. Il est effrayant. »

À l’aube de différentes échéances politiques capitales avec une Europe en proie à la montée des extrêmes, le constat s’avère sombre mais des lueurs d’espoir demeurent. « Il n’est pas si évident de cibler et d’identifier les endroits et les moments où pointent encore de l’espoir. Mais j’en vois particulièrement lorsque les gens font de la politique à côté de la politique. Quand ils contestent, fabriquent par eux-mêmes, à côté des propositions du monde politique, souvent cadré par les lois et les injonctions d’un monde-marché devenu obsolète », assure David, persuadé que la culture est aussi un moyen d’action et a un rôle singulier à jouer dans la bataille.

Rêve Général, nouveau festival totalement inédit ayant pour mission de réconcilier art, science et démocratie, proposera un programme riche et foisonnant de plus de 200 activités du 2 avril au 28 avril sur le campus du Sart Tilman. Discours à la nation sera joué le jeudi 25 avril à 14 heures et 19 heures et le vendredi 26 avril à 19 heures.

Plus d’infos sur Rêve Général : « Réconcilier art, science et démocratie avec un programme riche et foisonnant » — #Liégeois (liegeois-magazine.be) , RÊVE GÉNÉRAL (revegeneral.be)

Thiebaut Colot

Crédit photo : DR

La Maraudière