Formidable Faust dans une excellente mise en scène de Thaddeus Strassberger pour lancer parfaitement cette nouvelle saison musicale à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.
Il y avait énormément de monde à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège ce mardi 16 septembre et pour cause : c’était la rentrée culturelle et le premier opéra de la saison. Et pas n’importe lequel : Faust ! Créée à Paris par Charles Gounod en 1859, cette œuvre inspirée de Goethe et du drame Faust et Marguerite de Michel Carré est l’un des plus grands succès du répertoire lyrique. Un opéra qui raconte le pacte d’un médecin vieillissant avec Méphistophélès : en échange de sa jeunesse retrouvée, Faust vend son âme au diable, scellant ainsi une tragédie où l’amour, la tentation et la rédemption s’entrelacent. A l’heure des réseaux sociaux, de la mise en scène permanente, de la compromission, du culte du jeunisme et des apparences, Faust semble plus que jamais d’actualité.

Faust n’a cessé de fasciner les scènes du monde entier par sa richesse dramatique et musicale depuis plus d’un siècle et demi ! Et cette nouvelle production, confiée à Thaddeus Strassberger, a enchanté le public liégeois qui avait déjà pu savourer le génie du metteur en scène américain la saison dernière pour La Traviata. « Traduire une œuvre littéraire comme Faust en design visuel implique de distiller le récit complexe, les thèmes et le symbolisme en un langage visuel immédiatement lisible« , explique Thaddeus Strassberger qui a cherché à révéler les instants où l’intention pure se corrompt et où l’humanité des personnages se dévoile.
Les décors impressionnent, enthousiasment, séduisent et sont pratiquement des personnages à part entière du récit. Pour le metteur en scène, le décor devait traduire les tensions morales et métaphysiques de l’histoire, l’imaginaire prenant ainsi le relais du quotidien. Pour enrichir son vocabulaire visuel, Strassberger a choisi de puiser dans l’histoire des arts et de convoquer Lucas Cranach l’Ancien, Gustave Doré, Gustav Klimt et Pierre et Gilles dans une profusion d’ornements et de symboles. « Les couleurs, les formes et les motifs symboliques n’ont de sens que s’ils amplifient la vérité émotionnelle des chanteurs« , souligne Thaddeus Strassberger avant d’insister sur l’importance du travail collectif avec le costumier Giuseppe Palella, le chorégraphe Antonio Barone, le vidéaste Greg Emetaz et l’ensemble de son équipe artistique.

Il faut le souligner : c’est une absolue réussite. Les décors sont paradoxalement simples et spectaculaires, plongeant les spectateurs – parmi lesquels quelques édiles comme Elisabeth Fraipont et Christine Defraigne – dans un univers à la fois onirique et ancré dans une certaine réalité. L’usage de la vidéo n’est pas cosmétique mais vient au contraire sublimer les décors et apporter une touche de dynamisme lors de scènes plus statiques. Les costumes, eux, sont tout simplement époustouflants ! Une fois de plus, les Ateliers de l’Opéra ont dévoilé un savoir-faire exceptionnel, certaines robes laissant le public bouche-bée.
Dans sa mise en scène Thaddeus Strassberger propose notamment un écho entre Faust et le récit biblique d’Adam et Ève. « Dans Faust, le désir incessant de compréhension et d’expérience du savant fait écho à la rencontre d’Adam et Ève avec l’arbre de la connaissance », précise-t-il. Marguerite, formidable Nino Machaidze , apparait ainsi comme une nouvelle Ève.

Encore une fois, le metteur en scène américain confirme son exceptionnel talent, sa capacité à dépoussiérer l’opéra en lui offrant un formidable énergie et une savoureuse vitalité. Grâce aux danseuses et danseurs, certains tableaux sont pratiquement des ballets. D’autres scènes, en faisant intervenir plus de 60 artistes, permettent à Strassberger de redéployer tout le faste de l’Opéra. La multiplication des tableaux, dans un enchainement parfait, donne un élan au récit et l’opportunité de multiplier les trouvailles visuelles et scéniques.
Avec ce Faust, les spectateurs sont émus, impressionnés, interloqués, pris aux tripes, transportés mais rient aussi énormément. Erwin Schrott, dans son interprétation de Méphistophélès, se révèle ainsi par moments absolument hilarant. Une première partie plus enjouée, une seconde partie plus dramatique et tragique et un sans-faute de bout en bout avec les prestations remarquées des rôles principaux, Erwin Schrott donc mais aussi John Osborn en Faust, Nino Machaidze ou encore Elmina Hasan en Siebel.
Avec une prodigieuse distribution internationale ainsi que le chœur et l’orchestre parfaitement dirigé par Giampaolo Bisanti, cette version de Faust a placé la barre très haut. Le public, dans son ensemble, s’est d’ailleurs prêté à une longue et intense standing ovation à l’issue d’une représentation qui marquera les esprits. Comme l’année dernière avec La Traviata, Thaddeus Strassberger lance magnifiquement cette nouvelle saison musicale à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.
Plus d’informations : Page accueil – L’Opéra Royal de Wallonie – Opéra Royal de Wallonie-Liège
Thiebaut Colot
Crédits photos : © ORW-Liège/J.Berger