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« Cela reste une épreuve très dure, il faut d’abord penser à finir avant de viser un classement »

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C’est ce mercredi à 14 heures que Jonas Gerckens, Gilles Buekenhout et les 136 autres aventuriers des mers s’élanceront à l’assaut de l’Atlantique, quittant définitivement Saint-Malo pour rallier, en solitaire et à la voile, Pointe-à-Pitre. Une épopée titanesque que les deux skippers belges abordent avec un formidable enthousiasme et de réelles ambitions.

Samedi matin, les organisateurs de la Route du Rhum prenaient une décision historique : reporter le départ de quelques jours. « C’est une sage décision », réagissait officiellement Jonas Gerckens. « Les skippers de la Route du rhum doivent souvent faire face à des tempêtes et des éléments déchaînés mais la situation de dimanche et lundi cumulait trop de situations très dangereuses pour les bateaux et les marins. Une mer démontée (6-7m), des vents forts (plus de 100km/h) et, surtout la proximité des côtes qui n’offrait aucune échappatoire en cas de casse ou de problème. Un report de départ permet de garder la Route du Rhum comme une course, une compétition et non un stage de survie. »

Nombreux étaient ceux à penser de manière identique au skipper liégeois. Il se murmurait dans les allées de Saint-Malo qu’en cas de départ dimanche, les Ultims, les Ocean 50 et les Maxis auraient franchi la ligne de départ avant de rentrer se mettre à l’abri. Il faut dire que pour ces trimarans (les Ultims 32/23), véritables bijoux de technologie capables de rallier Point-à-Pitre depuis la Cité malouine en seulement sept jours, les risques de casse étaient aussi considérables que les enjeux financiers.

Les seuls, finalement, à se montrer moins enthousiastes quant à ce report que la majorité des participants, furent certains skippers engagés sur des Imoca. Ces monocoques de soixante pieds valant entre cinq et huit millions sont conçus pour faire le tour du monde. « Mon fils était contrarié de ne pas prendre le départ dimanche, il y était préparé et son bateau est fait pour affronter des conditions difficiles », nous soufflait, dimanche matin au petit-déjeuner, la mère d’un des marins français aux commandes d’un Imoca.

Il n’en reste pas moins que ce report de quelques jours permettra d’offrir une course pleine, passionnante. D’autant que les conditions météos resteront costaudes ce mercredi à 14 heures et dans les jours qui suivront. C’est à la fois une aventure sportive et humaine que s’apprêtent à vivre les 138 participants de cette mythique transatlantique en solitaire parmi lesquels figurent deux Belges : Gilles Buekenhout, amateur éclairé engagé en Maxi Rhum, catégorie qui rassemble tous les bateaux à deux ou trois coques d’une longueur inférieure ou égale à 64 pieds (19,50 mètres) et ne pouvant entrer dans une autre classe de la course, et Jonas Gerckens, skippeur professionnel engagé avec son Volvo164 en Class40, des monocoques de 40 pieds, (12,18 mètres), qui est la catégorie la plus fournie avec 55 bateaux inscrits au départ !

Les objectifs sont doubles pour nos deux compatriotes. Parvenir d’abord à terminer la course – ce qui reste en soi un véritable exploit – et réussir un résultat. « « L’objectif, cette année, est avant tout de terminer la course. Et de toute façon, il faut d’abord boucler la traversée pour espérer faire un résultat (rires). En 2010, j’avais rallié la Guadeloupe en 19 jours. J’espère pouvoir le faire cette fois en 17 ou 18 jours, même si tout dépend évidemment de la météo. Et ce serait formidable de finir dans le Top 5 de ma catégorie », confie Gilles dont ce sera la quatrième participation et qui aura de fameux concurrents : Philippe Poupon, Marc Guillemot ou encore Roland Jourdain. « Je suis assez admiratif de ces skippers exceptionnels et c’est un honneur pour moi d’aller me « bagarrer » avec eux. Si je ne casse rien, j’ai peut-être une chance car j’ai pu encore constater à la Drheam Cup (ndlr : premier en 2018) que mon bateau allait vite. »

Lors de sa première participation en 2018, Jonas Gerckens s’était classé quatorzième dans sa catégorie. Il se présente cette fois avec son nouveau bateau, le Volvo164.  « En 2018, sept ou huit participants avaient un bateau neuf en Class40. Cette année il y a trente nouveaux bateaux », rappelle le Liégeois qui vise ouvertement un Top 10 comme… une vingtaine d’autres compétiteurs. « Il y aura des déçus pour cette édition. Cela reste une épreuve très dure, il faut d’abord penser à finir avant de viser un classement. Sans oublier que cela demeure un sport mécanique avec les aléas que cela comporte. »

Ambitieux mais sans pression, Jonas Gerckens a bossé dur pour préparer cette course au large terriblement exigeante. « Toute l’année, nous avons rassemblé des datas pour définir les meilleurs réglages des voiles afin d’optimiser les performances du bateau et du pilote automatique et de parvenir à la vitesse cible souhaitée » continue celui qui vit à Lorient, dans la « Sailing Valley ». « Il y a beaucoup de données à analyser pour élaborer les meilleures trajectoires, la meilleure route. »

Et, en mer, tout est mis en oeuvre pour offrir à « Rawette » et ses huit voiles les meilleures performances. Ainsi, le cockpit du Volvo164 est spartiate, très spartiate, obligeant Jonas à constamment déplacer ses sacs en fonction du vent et de la trajectoire choisie. « Il faut bouger régulièrement tout le matos en fonction du poids du bateau et de sa trajectoire », confirme celui qui a déjà été élu quatre fois marin belge de l’année. « Cela sert à optimiser les performances du bateau, comme les compartiments à remplir d’eau. »

A quelques heures du grand départ tant attendu, tant Gilles que Jonas piaffent d’impatience, excités à l’idée de se lancer à l’assaut de l’Atlantique. « Souhaitez-moi le meilleur et un petit rhum : ça voudra dire que j’ai terminé la course », conclut Jonas avec son traditionnel grand sourire.

Thiebaut Colot

Crédit photos : Benjamin Sellier Wind4Production (photos 1 et 4) et Albert Colot (photos 2 et 3)

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