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« On a besoin de jolies histoires »

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Récit d’une soirée d’ouverture aux Francofolies de Spa où Mika a placé la barre très, très haut.

Ce jeudi 20 juillet constituait le jour J tant attendu par des milliers de festivaliers : le début des Francofolies de Spa ! Et les quelques nuages menaçants ne vinrent jamais perturber l’enthousiasme de tous les passionnés de musique réunis dans la perle des Ardennes. Une édition 2023 qui marquait le retour des Bars en folie, ces scènes gratuites disséminées dans la ville. C’était justement dans l’élégant jardin de La Villa des Fleurs que Justine et Maxime, couple à la ville et à la scène sous le nom JusTwo, se produisaient dès 14 heures avant de bisser à 19 heures sur la place Royale.

Avec ce retour des concerts gratuits pour animer le centre-ville, les Francos renouent avec leurs racines et font des heureux. « Je me réjouis du retour des Bars en folie. C’est un peu une madeleine de Proust pour moi. En famille quand j’étais petit, ado quand on n’a pas trop de thunes, ces Bars en folie sont un peu l’ADN du festival », me confiait quelques heures plus tôt François Poull, chroniqueur pour la seconde année de Francotidien, l’émission spéciale Francofolies de la chaîne TV régionale Védia« La culture appartient à tout le monde et il y a quelques artistes talentueux comme Antoine Delie, Yves Paquet ou ESTL qui s’y produiront, aussi bien aux Bars en folie que sur les scènes accessibles à toutes et tous. » Un avis partagé par de nombreuses personnes venues passer la soirée à Spa pour découvrir des artistes prometteurs et partager de vrais moments de convivialité.

Dans le village des Francos, quatre scènes étaient implantées pour permettre un tourbillonnant enchaînement de concerts alors que de nombreux bars et stands offraient aux festivaliers mille et une saveurs. Dès 16 heures sur la scène Spa Reine, c’était au tour de Bérode de lancer les hostilités. Vainqueur des Franc’Off 2022 avec ce projet plus personnel, Quentin Maquet, multi-instrumentiste liégeois et tête pensante de Dalton Télégramme, savourait l’expérience. « Pour ceux qui sont de la région ou qui écrivent en français, les Francos sont une date qui clignote », m’assura, un peu plus tard au Salon Bleu, celui qui réside désormais à Comblain-au-Pont. « Je ne casse quasiment jamais de cordes à ma guitare mais j’ai changé les cordes de celle-ci pour ce concert, c’est pour dire. »

À 18 heures, Rori inaugurait la scène Pierre Rapsat – la main stage. « Ma place » en guise d’intro avant de confier au public qui s’étoffa tout doucement qu’il s’agissait de son premier gros festival. « Je suis un peu intimidée par la foule mais trop contente d’être ici », dévoilait-elle. Avec Adrien à la guitare et Louis à la batterie, la Liégeoise n’allait rien laisser transpirer de son trac et y présentait ses chansons assez personnelles pendant 40 minutes. Naturelle et affichant son plaisir d’être là, assurant aux spectateurs que « nous avons tous des qualités » avant d’entamer « Looser », Rori réussissait à faire monter doucement la foule en température.

« Francos de Spa, je te déclare ma flamme »

Quelques minutes plus tard, c’était Charlotte Forêt alias Charles qui s’emparait de la scène Proximus. De sa voix claire et avec ses chansons en anglais, elle mettait directement l’ambiance. Celle qui remporta la huitième saison de The Voice Belgique alternait les morceaux rocks avec des riffs de guitare électrique et ceux plus posés au piano. En primeur à Spa, elle dévoilait sa première chanson écrite dans la langue de Molière, soucieuse de l’avis et de l’approbation du public dont on pouvait la sentir proche.

Alors que les derniers détenteurs du précieux sésame affluaient dans le Parc des Sept Heures, c’était à Juliette Armanet de se produire sur la scène principale. « Elle est connue mais que chante-t-elle ? », s’interrogeait une spectatrice. « Je ne l’imaginais pas comme ça en vrai », ajoutait une autre festivalière. Après une entrée réussie avec un jet de roses blanches et un « Salut Spa » qui suffisait à électriser la foule, l’artiste française mettait rapidement tout le monde d’accord avec « Boum Boum baby ». Avec son guitariste affublé d’un très stylé béret ciré, son saxophoniste qui se lançait dans un solo inspirant, elle-même au piano avant de tomber la chemise sur une choré glamour, Juliette Armanet livrait un set rythmé et bien rôdé. « Francos de Spa, je te déclare ma flamme », balançait-elle avant d’entonner « Flamme » tandis que François Poull réalisait son premier défi du festival : tenter d’inviter à dîner celle dont c’était le baptême du feu dans la cité thermale. Le climax du show impeccable eut lieu juste après lorsque Juliette Armanet quitta la scène pour se mêler à la foule – visiblement la nouvelle tendance aux Francos – et  multiplier slows et embrassades avec ses fans.

À peine le temps pour les festivaliers de se remettre de leurs émotions que Suzane mettait le feu sur la scène Proximus. En total look argenté, elle scintillait sous les spotlights et ambiançait les Spadois d’un jour ! Artiste libérée et engagée, biberonnée par ses parents aux chansons d’Edith Piaf, Barbara et Jacques Brel et dotée de solides bases en danse classique, Océane Colom (son nom à la ville) rallumait les étoiles alors que le soleil venait de terminer sa lente déclinaison. D’une énergie débordante et avec ses chansons percutantes, elle enthousiasmait un public nombreux et conquis qu’elle n’hésita pas à rejoindre – elle aussi ! – pour partager un intense moment d’émotion.

Mika place la barre très (très, très, très) haut !

À 23 heures, celui que tout le monde attendai, faisait son apparition sur la scène Pierre Rapsat vêtu d’un costume vert à paillettes – la première d’une des multiples tenues colorées  (jaune, rose, mauve, blanche) – qu’il arbora durant un show qui restera dans les annales des Francolies. Après « Lollipop » qui faisait déjà exulter la foule, ce merveilleux artiste libano-britannique plantait le décor, ou plutôt l’absence de celui-ci. « Je suis ravi d’être aux Francos en Belgique et qu’il ne pleuve pas », commençait-il dans son élégant français. « C’est une soirée très spéciale car nous sommes arrivés sans notre camion. Nous n’avons pas de décor, pas 150 000 lumières mais nous allons tout faire avec de la musique et de la spontanéité. On va être totalement libres, ce qui est très rare dans un festival et cela va se faire avec vous ! »

Entouré de ses musiciens impeccables en costume croisé immaculé et de son chœur de « Mikettes », Mika allait dérouler ses tubes avec une folle énergie et une passion communicative. « Quand on chante, on dévoile beaucoup plus de son âme que quand on enlève toutes ses fringues », confiait-il après avoir prévenu les personnes attablées au restaurant du Radisson que « quand les artistes montent sur scène, ils font une sorte de scan pour savoir qui seront leurs victimes. Ce soir c’est la terrasse du resto contre dix mille personnes. »

Voix cristalline, sourire étincelant, enthousiasme débordant : Mika se révélait tout simplement irrésistible. « Merde, que vous êtes beaux. On a besoin de jolies histoires », lançait-il aux milliers de spectateurs avant de, déjà, les rejoindre. « J’avais un peu sous-estimé à quel point ce public était grand, j’ai bien dû embrasser 47 personnes », reconnaissait-il, de retour au piano pour reprendre son souffle. « Mais qu’est-ce que ça fait de bien de pouvoir à nouveau embrasser 47 personnes sans avoir peur. »

En totale symbiose avec la dizaine de milliers de festivaliers bouillants, Mika continuait son incroyable show. « Même si on transpire et on pue quand on danse, on est libre », plaçait-il avant d’entamer « Big Girl (You are beautiful) ». Un énorme clapping venait soutenir « Underwater » au son océanique avant que Mika ne fasse monter Juliette Armanet sur scène pour une séquence de piano à quatre mains. « C’est probablement la chose la plus méchante qu’un artiste puisse faire à un autre en festival », rigolait l’ancien juré de The Voice. « Mais non, c’est charmant », lui rétorquait la Française.

Le clou du spectacle arrivait ensuite. « On va faire quelque chose qui me terrifie et qui n’a peut-être jamais été fait en festival », commençait Mika. « J’écris depuis deux ans un album en français et on va tester ma nouvelle chanson. Elle s’appelle « C’est la vie » et parle de la vie et de la mort, qu’on ne peut pas dissocier. Et si on accepte cela, on peut danser les larmes dans les yeux. » Et d’ajouter : « Je vais venir parmi vous pour tourner un mini clip. Ne vous inquiétez pas, j’ai pris un shot de tequila pour me donner du courage. » Une séquence incroyable – pour une chanson très réussie et reprise en chœur par la totalité des spectateurs – qui rejoignit directement le panthéon des Francos !

En ébullition totale et en parfaite symbiose, Mika et son public ne voulaient pas se quitter, quand bien même Bon Entendeur avait entamé son set sur la scène voisine. En peignoir satiné et affublé d’une tête de tigre, cet artiste follement généreux acceptait les rappels et revint même avec ses comparses sur la scène pour danser durant de longues minutes sur les morceaux du duo venu de la Riviera française, confirmant ainsi son immense plaisir d’être face à des festivaliers conquis. « C’est sans doute le meilleur concert – avec celui d’Obispo il y a déjà dix ans – auquel j’ai assisté ici à Spa », assurait Isabelle, une habituée des Franco. Une opinion partagée par les nombreux chanceux présents jeudi et qui, après avoir dansé et chanté près de deux heures avec Mika, pouvaient regagner leurs pénates des étoiles plein les yeux.

Le programme de ce vendredi aux Francos : « Jubilatoire de voir les choses incroyables qu’Angèle et Roméo Elvis réalisent » — #Liégeois (liegeois-magazine.be)

Thiebaut Colot

Crédits photos : LM

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